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Plus de soixante ans après les indépendances, la production scientifique africaine demeure largement invisible dans le paysage académique mondial. C’est au travers d’articles publiés, en majorité, par les revues anglo-saxonnes d’« études africaines » que continue d’être décrite et perçue la situation du continent. Ce constat n’est pas nouveau.
La cure d’austérité imposée aux universités, dans le sillage des plans d’ajustement structurel des années 1980, a eu raison du dynamisme éditorial apparu dans de nombreux départements de recherche au moment où les pays reprenaient leur destin en main. A quelques exceptions près, comme en Afrique du Sud, cette réalité persiste.
La précarité financière, couplée à un accès aléatoire aux outils de communication, en particulier Internet, est un obstacle persistant à la création de revues pérennes. La priorité donnée par les établissements à la formation d’étudiants de plus en plus nombreux, au détriment de la recherche, ne favorise pas la production d’articles susceptibles d’être soumis à la publication.
Au-delà de ces faiblesses intrinsèques, les normes de publication et de référencement fixées par les quelques grandes maisons d’édition du Nord participent de cette marginalisation. C’est ce que s’attache à montrer la revue trimestrielle Global Africa dans son numéro de juillet, consacré aux défis de l’édition scientifique sur le continent. Elle explore également les pistes en faveur d’un rééquilibrage.
Les revues africaines ont d’emblée été exclues du premier index mondial de citations, Science Citation Index, créé en 1964. Aujourd’hui, Web of Science et Scopus – deux bases de données d’articles scientifiques – continuent pour faire leur sélection de privilégier les revues déjà citées par celles composant l’index.
En 2023, sur plus de 30 000 revues présentes dans Web of Science, seulement 60, si on exclut l’Afrique du Sud, étaient publiées en Afrique subsaharienne, soulignent David Mills (université d’Oxford) et Toluwase Asubiero (université d’Afrique du Sud) dans un article. Ils s’interrogent sur le besoin pour la recherche académique africaine de créer son propre index de citations.
Le mouvement en faveur d’une science ouverte faisant la promotion de publications en libre accès suscite de l’espoir. Créée en 2022 avec le soutien financier de l’Agence française de développement, Global Africa, portée par l’université Gaston-Berger, à Saint-Louis au Sénégal, publie quatre numéros par an en swahili, anglais, français et arabe.
L’histoire de The African Review, fondée en 1969 par l’université de Dar es Salaam, en Tanzanie, montre aussi le cas d’une coopération réussie avec un éditeur du Nord, le néerlandais Brill. Dans le panorama de l’édition africaine, il n’y a pas de modèle unique pour donner plus de portée à la voix des chercheurs continentaux.
La crédibilité d’une revue reste, pour l’heure, soumise à cette indexation tant critiquée. Comme le confesse la rédactrice en chef de Global Africa, Mame-Penda Ba, qui admet devant la joie éprouvée lors de l’indexation, en août, de Global Africa dans le Directory of Open Access Journals, sa propre « contradiction » face à ses rêves d’émancipation.
Laurence Caramel
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